Konzertstück n°1 de Mendelssohn pour 2 flûtes et piano

24/08/2022

Délaissés par les compositeurs du XIXe siècle, qui ont préféré à la flûte la clarinette et le cor pour leur sonorité à la fois plus large et plus sombre, plusieurs flûtistes se sont emparés de l'œuvre de Mendelssohn dont ils ont transcrit divers ouvrages pour leur instrument.

Théobald Böhm en a ainsi été l'instigateur, comme en témoigne son adaptation pour deux flûtes et piano de deux des Lieder pour deux sopranos et piano du compositeur berlinois. Plus tard, des flûtistes tels que Jean-Pierre Rampal, Andras Adorjan et Janos Balint ont repris le Concerto pour violon opus 64 en mi mineur, Wilhelm Barge et Benoît Fromanger les Romances sans parole, et Joseph Henri Altès la Sonate opus 4 en fa mineur initialement dédiée au violon et au piano. La transcription pour deux flûtes et piano du premier Konzerstück originellement composée pour clarinette, cor de basset et piano s'inscrit donc dans le prolongement de la démarche initiée par Böhm en son temps. Afin de laisser aux interprètes de cette transcription la possibilité de se rapprocher de l'œuvre originale, la partition présente, en plus d'une partie de 2e Flûte, une partie de Flûte en Sol. Elle permet ainsi de conserver une idée de contraste de timbre et de tessiture entre les deux instruments solistes.

C'est à l'occasion d'une tournée internationale qui les amena à Berlin le 3 décembre 1832, que les deux célèbres clarinettistes munichois Heinrich-Josef et Carl Baermann, respectivement père et fils, rendirent visite à Mendelssohn. Sensible à leur talent d'interprète, le compositeur, qui avait lié avec eux une profonde amitié, écrivit ce jour-là, et leur dédia, son 1er Konzerstück. Fins gourmets, les trois amis se seraient livrés à un « concours » opposant une œuvre culinaire réalisée par Carl et une œuvre musicale composée par Félix. Les Dampfelnudel et les Rahmstrudel, desserts typiquement austro-bavarois dont Félix raffolait, devaient ainsi entrer en compétition avec une pièce de musique de chambre, dans un esprit de reconstitution de la bataille de Prague (1757) qui jadis opposa les prussiens et les autrichiens.

« Die Schlacht bei Prag :

Ein groβes Duett für Dampfelnudel oder Rahmstrudel, Klarinett und Bassethorn / componirt und gemüthig dediciert an Bärmann Senior und Bärmann Junior von uhrem ganz ergebenen Bartholdy »

La bataille de Prague :

Un grand duo pour Dampfelnudel et Rahmstrudel, clarinette et cor de basset / composé et humblement dédié à Bärmann Senior et Bärmann Junior par votre très dévoué Bartholdy.

Le compositeur, qui indiqua « Bärlin 30 Dec 1832 » en allusion aux Bärmann (Bär signifiant «ours»), laissa à la postérité l'objet de cette drôle de journée dans les pages mêmes de la partition.

Paris, Décembre 2017,

Laëtitia Brault et Jean-Christophe Maltot